Déjà, lorsqu'on susurre le mot Provence, on entend les cigales, on respire la lavande, on admire cette lumière qu'ont tellement sublimé Braque ou Cézanne. Déjà on est en vacances. Prêts à butiner ces hameaux assoupis à l'heure de la sieste qu'on dit parmi les plus beaux de France. Glissé entre Gordes , Bonnieux ou Lourmarin , voici Roussillon, saupoudré de ces ocres que le soleil encense de l'aube au crépuscule. On cède vite au charme envoûtant de son atmosphère : la place de l'Abbé-Avon, où le boulanger cuisait son pain ; la place de la mairie, centrale bien sûre, avec sa farandole de maisons XVIIIème, celle de la poste avec la fontaine qui abreuvait le bétail ; celle de la forge qu'on pense être l'ancienne cour du château. En terme de vestige, ce beffroi, retapé au XIXème siècle et l'église Saint-Michel. Là encore, si sa construction remonte au XIème siècle, elle a été sacrément remaniée. La façade s'affiche XVIIème et le chœur XVIIIème. Une ruelle, l'ancien chemin de ronde et là, à la pointe du castrum, un très beau point de vue tant sur le village que le paysage. Et c'est peut-être quand on n'a pas le nez dessus, justement, que Roussillon révèle toutes les subtilités de son émouvante beauté : ces ocres, qui du jaune d'or au brun profond, de l'oranger au rouge flamboyant, habillent chaque toit, chaque façade, kaléidoscope changeant au fil des heures. Des ocres à l'art, il n'y a qu'un pas : une quinzaine de galeries se partagent ainsi les œuvres d'une cinquantaine d'artistes. Mais ces pigments, on veut les voir pour de vrai. Alors, on va sur ce sentier des ocres, cette palette naturelle qu'un peintre aurait rêvé de créer : de l'or au violet, du rose au sanguin, ces falaises millénaires contrastent, dans une violence quasi divine, avec le bleu glacial du ciel et le vert profond des pinèdes. À peine repu de cet éblouissement, il faut prendre sa voiture et aller jusqu'au hameau de Rustrel, car ici aussi la nature a façonné des carrières d'ocres ; ce Colorado provençal avec ses 25 colorations différentes n'a d'ailleurs rien à envier à son cousin arizonien.